Il était journaliste...

Publié le par Apprenti Juriste

Lasantha Wickrematunga était journaliste au Ski Lanka (rédacteur en chef de The Sunday Leader). Il a été assasiné le 8 janvier dernier vraisemblablement en raison de son activité. Il s'attendait à perdre la vie et avait écrit un article à publier à titre posthume. Je vous le reproduit ici dans sa traduction française.

"Rares sont les professions dont les praticiens sont appellés intrinsèquement à risquer leur vie, en dehors du métier des armes. Et, au Sri Lanka, du métier de journaliste. Ces dernières années, les médias indépendants ont été de plus en plus souvent pris pour cible. D'innombrables journalistes ont été harcelés, menacés et assasinés. J'ai l'honneur d'appartenir à chacune de ces catégories, et en particulier, désormais, à la dernière.
Je suis depuis bien longtemps dans la profession. D'ailleurs, cette année, The Sunday Leader, dont je suis le rédacteur en chef, fête ses quinze ans. Beaucoup de choses ont changé au Sri Lanka dans ce laps de temps, et je n'ai pas besoin de vous dire que, en grande partie, ces changements n'ont pas été pour le meilleur. Nous sommes au coeur d'une guerre civile impitoyablement menée par des protagonistes dont la soif de sang est sans limites. La terreur qu'elle soit le fait de terroristes [les tigres tamouls, NDLR] ou de l'Etat, est dorénavant à l'ordre du jour. En fait, le meurtre est devenu le principal outil par lequel l'Etat s'efforce de contrôler les organes de la liberté. Aujourd'hui, ce sont les journalistes ; ce sera le tour des juges. J'ai été par deux fois victime d'aggressions violentes. J'ai des raisons de croire que chacun de ces actes a été inspiré par le gouvernement. Quand je serai tué, ce sera de son fait.
Monsieur le président Rajapaskse, vous qui nourrissiez tant de rêves pour notre pays quand vous étiez plus jeune...En trois ans à peine, vous avez tout réduit en cendres. Au nom du patriotisme, vous avez piétiné les droits de l'homme, favorisé une corruption sans frein et dilapidé les deniers publics comme aucun autre président avant vous.Quant à moi, j'ai la satisfaction de savoir que j'ai gardé la tête haute, que je n'ai courbé l'échine devant personne. Et ce chemin, je ne l'ai pas parcouru seul. Des camarades journalistes d'autres secteurs des médias m'ont accompagné : la plupart sont aujourd'hui morts, emprisonnés sans jugement ou exilés dans des pays lointains. D'autres marchent à l'ombre de la mort, cette ombre que votre présidence à jetée sur les libertés pour lesquelles vous vous étiez autrefois battu avec tant d'énergie.
Jamais vous ne pourrez oublier que ma mort à eu lieu alors que vous étiez au commandes. Vous veillerez à ce que le coupable ne soit jamais condamné. Vous n'avez pas le choix. J'en suis désolé pour vous. Et vous, lecteurs du Sunday Leader, je ne peux que vous remercier de nous soutenir dans notre mission. Ma famille et moi venons de payer ce prix que nous ne pouvions que payer un jour, je l'ai toujours su. J'y suis prêt, et je l'ai toujours été. je n'ai rien fait pour me soustraire à ce résultat : aucune sécurité, aucune précaution. Je veux que mon assasin sache que je ne suis pas un lâche comme lui. Il était écrit depuis longtemps que je devais perdre la vie, et qui me la prendrait. Une seule chose restait à écrire : quand."

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